Football : La loi et l’esprit de la loi

Le match entre le FC Versoix et le FC Grand-Saconnex 2, remporté dimanche par ce dernier sur le score de 3-2, a soulevé une question d’éthique : est-il normal qu’une équipe de troisième ligue soit renforcée à tel point par des joueurs provenant d’une division supérieure ? Le débat n’est pas nouveau, mais on est en droit de se poser la question lorsqu’on sait que Grand-Saconnex 2 a aligné au début de la rencontre huit joueurs issus de leur première équipe, qui évolue en promotion League.
Qu’il n’y ait aucune d’ambiguïté ; la démarche est totalement légale et Valentin Toffoleto, entraîneur du FC Grand-Saconnex 2, ne cachant pas son ambition de jouer la montée, s’en sert afin d’atteindre ses objectifs. « Si moi, j’ai repris cette équipe et qu’il y a autant de joueurs de la première, tous les week-ends, c’est forcément qu’on joue le titre. On se doit d’essayer au moins de réduire l’écart entre les deux équipes », a-t-il confié à TéléVersoix après le match.
Mais, peut-on encore parler d’un match de 3ᵉ ligue ? « Oui, confirme le coach du FC Grand-Saconnex 2. Déjà, au niveau de la qualité du terrain, qui n’est honnêtement pas bonne. Au niveau de l’arbitrage, parce qu’il n’y a qu’un arbitre, donc il n’y a pas de juge de touche. La motivation, elle, est différente entre la promotion League et la troisième Ligue.» Sur la question de la moralité, Valentin Toffoleto reconnaît que cela peut poser un problème aux adversaires. Mais selon lui, ce n’est pas à l’entraîneur de se prononcer sur la légitimité des règles, mais bien aux instances de régulation du sport.
De l’autre côté du terrain, Steve Laureti, entraîneur du FC Versoix, est plus circonspect. Même s’il reconnait la légalité de la démarche, il s’interroge sur l’équité sportive dans de telles circonstances. « Il y a quand même cinq niveaux d’écart entre les joueurs qui ont débuté et les nôtres. Est-ce qu’on n’arriverait pas à régler cela à deux niveaux, trois niveaux d’écart maximum ? » Pour le coach du FCV, le problème est moins la présence de ces joueurs que l’impact que cela peut avoir sur les effectifs réguliers de troisième ligue. Les joueurs de Versoix ont dû faire face à des adversaires expérimentés, habitués à un rythme de jeu et à une intensité bien supérieure.
Le déséquilibre, même s’il est conforme aux règles actuelles, remet en question la nature même de la compétition, selon plusieurs observateurs du foot amateur. Elle soulève de plus en plus de questions de fair-play, notamment sur l’équité et l’esprit de compétition dans les ligues inférieures. La France et l’Allemagne ont déjà légiféré sur ce domaine afin d’éviter ce qui était considéré comme des abus.
Si le but est de développer le niveau global du football, certains se demandent si des équipes renforcées par des joueurs de niveaux bien supérieurs ne faussent pas le jeu, « à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire », dit le dicton. L’idée d’une restriction, par exemple en limitant le nombre de joueurs pouvant provenir de ligues supérieures, pourrait être une solution pour préserver un équilibre compétitif. En limitant ces renforts, la ligue pourrait garantir que les équipes s’affrontent sur un pied d’égalité, tout en respectant le développement des talents au sein des clubs. Mais comme le dit très justement le coach du FC Grand-Saconnex 2, c’est aux instances de régulation du sport de légiférer.